La vocation est réponse à la vie

 

La vocation comme sens à la vie

 

Lettre à un jeune ami un peu déboussolé

Cher (e) ami(e): Tu me disais dans ta dernière lettre que tu avais souffert beaucoup pendant les grandes vacances parce que tu n’avais presque rien réalisé de ce que tu t’étais proposé;  que tu t’étais senti comme un "pantin" traîné d’un lieu à un autre par les circonstances (amis, famille, groupe, paroisse, loisirs, voyages…).

Mais encore dis-tu que le problème n’est pas seulement des vacances, que tu as le sentiment pendant ces derniers temps que c’est une chose qui se répète toujours

Tu t’étais même demandé s’il y avait quelque sens à tout cela, s’il vaut la peine de se proposer quelque chose. Tu arrives à questionner la vie et tu te demandes s’il y avait quelque sens pour la vie et pour tout ce que tu avais vécu jusqu’alors.

Tu l’as décrit avec une image suggestive : Tu te voyais comme tombant dans un puits sans "fond" dont tu ne savais pas si tu pourrais sortir.

Je me réjouis que tu aies pensé à moi, ton ancien prof,  en me permettant ainsi de te parler avec la même franchise de toujours, avec toute mon affection et sincérité.

 

1.- POUR UNE PERSONNE LIBRE

La liberté n’est pas facile à conquérir. Dans ta lettre je vois que cela te préoccupe, et tu me décris la liberté comme l’absence des liens qui te contraignent, mais cela n’est que l’aspect négatif de tout choix que tu essaies de réaliser : absence d’impositions, d’empêchements, d’ordres et des lois qui te poussent.

Toute élection a sa facette positive qui est la responsabilité, liberté d’entraves. Oui ! Mais aussi liberté pour faire : liberté de…, libre pour… ; pour que la liberté ne devienne pas arbitraire.

Tu trouveras toujours trop de limitations et d’empêchements qui te coinceront, qui te limiteront. Quelques-unes de ces limites sont d’ordre interne, de ta propre psyché, mais aussi tu trouveras des impositions sociales que nous pourrions appeler avec tout réalisme "psyché collective". Dans ta lettre tu manifestes un certain sentiment de rébellion face à ces contraintes.

Quelques-uns de ces préjugés collectifs, (chaque époque a les siens) nous tous les citadins, nous les souffrons. Je te présente quelques uns, aujourd’hui très communs :

1.1.- le vide existentiel: Une certaine manie qui s’impose petit à petit, partout et surtout dans certaines cultures : La vie n’a pas de sens, elle manque d’un sens, tout est présent, l’unique sens, c’est vivre, faire ce que tu fais.

Je me suis senti toujours éducateur au milieu de vous les jeunes. Comme éducateur je dois rester "neutre" face aux impacts des modes ou des manies qu’on essaie d’imposer, même je dois rester critique face aux nouvelles valeurs, qu’on veut exiger ; si je ne le fais pas  je transmettrai une caricature d’homme.

Si tu es jeune et tu te laisses entraîner par ce préjugé tu finiras par t’accommoder au milieu social et culturel, sans savoir pourquoi, tu deviendras un pantin dans les mains d’autres qui tirent les ficelles de la marionnette.

 

1.2.- le pan déterminisme:  c’est l’une des manies qui essaie de nous faire croire que l’homme est comme un ordinateur, qui est déterminé à réaliser toujours et dans tout moment le programme préétabli.

Ceci nous transforme en robots. Et c’est vrai que beaucoup de nos réactions sont trop déterminées, mais tout homme conserve toujours la liberté et capacité de réaliser ses dernières décisions, même d’opter pour ou contre Dieu, qui est la base et le fondement de toute religion.

Comme personne humaine tu n’es pas totalement déterminé;  tu es celui qui va décider si tu dois te livrer à une situation concrète, ou tu dois t’affronter à elle. Tu ne te limites pas seulement à exister, mais tu décides quelle sorte de vie tu veux, comment ton existence doit se réaliser, et comment elle sera la minute suivante

Maintenant je décide de continuer à t’écrire, parce que je t’ai aimé toujours.

La dernière de tes libertés est la capacité, que tu possèdes, de répondre, avec ton attitude personnelle, face à une quelconque circonstance, même si elle est très lourde et contrarie, même face à la mort, qui est l’option finale, tu peux décider.

Cette liberté et cette capacité de répondre (être responsable) personne ne peut te l’enlever,  personne ne peut te l’imposer.

Mais regarde bien, qu’ici on a parlé de liberté mais aussi de responsabilité. Elles sont les deux faces de la  même monnaie. Le psychiatre V.E. Frankl affirme que de la même façon qu’on trouve la statue de la Liberté, sur la côte Est des USA, il devrait se construire une statue dans l’autre côté, dédié à la Responsabilité.

 

2.- LE VIDE EXISTENTIEL

La chose pire qui peut se passer dans la vie d’une personne, c’est qu’elle perde le sens de sa vie et qu’elle devienne incapable de le trouver. Ceci peut se convertir en une source de souffrances et peut produire les plus grandes frustrations.

Si tu te laisses traîner par le « non sens »,  par le vide tu t’exposes à n’importe quelle influence qui te dominera. Les symptômes du vide, tu me les as décrits très bien dans ta lettre, ce que tu appelles l’ennui, la lassitude et l’assoupissement, l’incapacité pour jouir profondément, la nécessité qui te pousse à aller de divertissement en divertissement, d’amusement en amusement qui chaque fois t’exige de payer plus d’argent.

Ce vide profond tu peux le remplir avec d’autres types de "volontés" qui sont comme des déguisements et des masques qui dissimulent ton non-sens et la niaiserie:

ü      la volonté de pouvoir, c’est-à-dire la recherche de l’autorité et d’être au-dessus les autres,

ü      la volonté de posséder (avoir de l’argent et beaucoup de choses);

ü      la volonté de plaisir, avoir et consumer toujours les propres goûts.

Si quelqu’un fonde ainsi sa vie, il est en train de l’ériger sur l’Avoir, qui sera toujours des choses qui arrivent du dehors de sa propre personne, et qui essayent d’occuper une autre façon de vivre, pas fondée sur l’avoir mais sur l’ÊTRE. Je Prie de toute mon âme pour que tu ne tombes jamais dans ce piège.

Seulement la "volonté de sens" peut faire vivre celui qui est désespéré, l’important n’est pas qu’on n’attende rien de la vie; ce qui importe vraiment est qu’on perçoive que la vie attend beaucoup de chacun, mais beaucoup. De toi est en train d’attendre l’indicible, et cette espérance est ce que tu dois trouver.

Vivre signifie, comme dernier élan, que tu assumes la responsabilité de trouver la réponse correcte aux problèmes que le simple fait de vivre te présente et d’accomplir les tâches et responsabilités que la vie t’assigne continuellement. Ce sens différera de celui de ton camarade, parce qu’il est différent d’une personne à une autre et d’un moment de la vie à un autre.

Un des fondateurs des « chiffonniers d’Emmaüs, était un pauvre diable qui marchait désespéré et essaya de se tuer. L’abbé Pierre au moment de le trouver et connaître la cause par laquelle il avait essayé de disparaître de ce monde, il lui posa une seule question, c’est possible que, maintenant, tu n’attendes rien de la vie, mais la vie et beaucoup de  gens attendent beaucoup de toi. Cela fut suffisant pour que cet homme récupère sa vie, et il dédie toute son existence à aider les chômeurs, les sans-papiers et sans toit de la grande ville.

 

3.- LA VOLONTÉ DE SENS

La volonté de sens ou le sens de vie que tu es capable de posséder est la force primaire la plus grande, la plus authentique et fidèle que tu possèdes et qui peut te combler et te remplir de satisfactions.

Tu dois découvrir le sens concret que la vie t’offre dans ce moment donné;  chacun a une mission propre à accomplir. Le sens de vie n’est pas une chose commune et imposée pour tous. Tu es en train de le construire et inventer à chaque moment.

L’essence dernière de ta vie est ta capacité de rester responsable et de répondre à ce sens. Regarde bien que la souffrance que tu es en train de supporter et même la mort peuvent avoir un sens pour toi ; si tu arrives à le découvrir,  tu peux l’expérimenter dès la plénitude.

Le sens dernier de la vie va plus au-delà de la capacité intellectuelle de l’homme, c’est le supra-sens; mais ce n’est pas le manque de bon sens, la folie, mais plutôt la disposition à assumer rationnellement la propre capacité de transcendance et d’apprendre tout le bon sens inconditionnel de la vie. La foi religieuse aide à le posséder, la vocation personnelle est sa réalisation.

             

4.- SENS ET VOCATION

La vocation est la manière concrète par laquelle tu donnes sens à l’être et à l’agir dans ta  propre vie. C’est sentir et répondre à l’appel d’un sens potentiel qui jailli en nous, et il espère se réaliser en nous.

En dehors de sa propre vocation surgissent "nostalgies" et insatisfactions parce que tu ne réussis pas à remplir ta volonté de sens.

La vocation regarde toujours vers l’avenir et elle est en train de se réaliser au présent dans chaque moment présent ; c’est pourquoi la vocation peut seulement être complète lorsqu’on la voit "sub specie aeternitatis", disent les anciens, sous le prisme de l’éternité. Cette vision aide à assumer le passé et à vivre le présent, pendant qu’on regarde l’avenir, pour ne pas s’ancrer dans le passé et ne pas vivre seulement de souvenirs et de "nostalgies" de ce qui aurait pu être ta vie.

Tu ne dois pas considérer la vocation comme une simple autoréalisation. L’autoréalisation ne peut être le sens d’une vie. Lorsque tu cherches plus à te réaliser, plus la vie s’enfuit de tes mains. C’est quelque chose comme le sexe et l’amour, on ne peut pas confondre les termes, le sexe est un des moyens d’exprimer l’expérience de cet esprit de fusion qui s’appelle amour, qui est le but.

La vocation est réponse au sens propre de sa vie ; pour le croyant elle est la réponse à Dieu même. Seulement dans la mesure où ta réponse est totale, prend toute ta vie, tu seras heureux, et alors tu te sentiras aussi réalisé;  l’autoréalisation est l’effet secondaire de la propre transcendance de sa vie, de la vocation accomplie.

La recherche de sens crée une tension entre ce que tu es et ce que tu désires. Cette tension peut faire souffrir...mais elle est une souffrance très saine. C’est la plus grande force et énergie dont tu disposes pour survivre aux pires conditions que tu puisses imaginer.

Qui dispose d’un pourquoi, est capable de supporter un quelconque comment ?

 

Pour réfléchir, pour prier et pour partager

1.- T’es-tu senti quelquefois tiré çà et là comme une marionnette, en sentant dans ton cœur que tu n’étais pas le patron, que beaucoup d’autres prenaient les décisions que seulement toi, tu devrais prendre ?

Prendre conscient de ce qui se passe en nous est important, parce que c’est le premier pas pour pouvoir changer et mûrir ; si on n’est pas conscient, alors on ne sent pas le besoin de changer. Réfléchis bien aux circonstances, aux moments dans lesquels tu as eu ce sentiment et pourquoi ?

2.- Dans ta vie quel est le sentiment qui prédomine le plus et qui maîtrise ta vie : la volonté de pouvoir, le désir d’influencer les autres et exercer ton autorité ?  La volonté de posséder (posséder de l’argent et beaucoup de choses); la volonté de plaisir, faire toujours ce qui te satisfait immédiatement, tes propres goûts passent au-dessus de tout ?

3.- Dans ta vie tu trouves beaucoup de choses qui sont déjà établies par la famille, par la société, par l’Eglise, par la loi, par le gouvernement, par l’école, par le code de travail. Face à tout cela tu sens une certaine rébellion de ton cœur ou le besoin d’accepter ? Pourquoi ? Quel est le bon choix à ton avis ?

4.- Les jeunes demandent souvent plus de liberté ! Mais en même temps crois-tu qu’ils exigent aussi plus de responsabilité ? Qu’est-ce qui est nécessaire aujourd’hui ? Pourquoi ?

5.- Fais une énumération de ce qu’attendent les autres de toi : les parents, les amis, tes professeurs, l’église… ? Crois-tu que tout cela vaut la peine ?

6.- Trouves–tu un sens à ce que tu fais ? Sais-tu pourquoi tu travailles ? Est-ce que ta vie a un sens bien précis ? Quelle est la plus grande espérance pour ta vie, qui pousse de ton cœur et qui peut te combler et te remplir de satisfactions?

Partage cette question avec plusieurs amis et compare ton option à la leur, essaie de voir le pourquoi de la possible diversité.

7.- Quelle peut être la différence entre le style de vie d’un jeune qui a un fort sens de sa vie et celui qui attend seulement vivre, sans un autre but? Si cela peut t’aider pense aux différents domaines de la vie d’un jeune: famille, travail, amis, fiançailles, études, foi…

8.- Crois-tu que la souffrance peut avoir un sens dans la vie d’une personne ? Peux-tu nous donner des exemples de quelques-uns qui ont trouvé de sens à leur souffrance ?

9.- Le sens de vie n’est pas une chose commune et imposée pour tous. Tu es en train de le construire et inventer à chaque moment. Réfléchis et cite les moyens qu’un jeune a à sa portée pour découvrir le sens de vie.

10.- Comment la foi religieuse peut t’aider à bâtir un sens de vie et t’offrir la possibilité de vivre la vie comme une vocation de réalisation personnelle ?

 

Salésiens de Don Bosco - Lomé

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